Cheek Magazine


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Les Yeux dans les Yeux avec Céline Pham

À 29 ans, la cheffe indépendante Céline Pham cuisine pour les autres. Lors de soirées ou chez des particuliers, elle revisite ses origines en préparant une cuisine franco-vietnamienne inventive et généreuse.

L’hymne de notre génération ?
Bohemian Rhapsody, de Queen. C’est un morceau qui démarre doucement et qui monte en puissance, et je l’ai souvent chanté dans des moments de lâcher-prise avec différents cercles d’amis. Je pense aussi à Around the World de Daft Punk, qui marque les débuts d’un monde ouvert et sans frontières, hyper-connecté, et dont le clip m’a aussi beaucoup marquée.

Le film emblématique de notre génération ?
Je vais le raccrocher à mon métier: L’Aile ou la cuisse. C’était très visionnaire et il s’inscrit parfaitement dans le temps avec cette histoire de malbouffe qui s’oppose au super bien manger. Je trouve qu’il soulève toutes les problématiques actuelles.

L’événement le plus marquant de notre génération ?
Pour moi, le 11 septembre. Ça m’a littéralement scotchée, c’étaient des images d’horreur, de film, dans la vraie vie. Et pour une note plus légère, je pense à la Coupe du monde 98 où, à l’inverse, on a vu des scènes de liesse et d’euphorie dans la rue.

Qu’est-ce que notre génération a inventé de plus drôle ?
Tinder. J’ai téléchargé l’appli récemment et j’ai trouvé ça vraiment absurde; ça m’a valu beaucoup de fous rires. J’ai fini par la désinstaller.

Quelle est la chance de notre génération ?
L’accès illimité au savoir et aux connaissances. Je trouve ça génial, mais c’est aussi la malchance de notre génération. Ça nous rend un peu paresseux, ça change nos rapports et ça nous fait perdre la mémoire. Quand on cherche quelque chose, au lieu de se poser et de réfléchir, on va regarder sur Internet, alors que si on se concentrait un peu plus, on trouverait.

Le genre pour notre génération, ça veut dire quoi ?
J’aime bien qu’on en parle. Que ce soit visible, enfin. Les questions de genre sont presque devenues mainstream, avec des personnes comme Caitlyn Jenner ou Christine and The Queens, qui parle dans ses chansons de devenir un mec. Le sujet est abordé, débattu et incarné. Je trouve ça bien.

La féminité vue par notre génération, ça donne quoi ?
Une féminité plurielle, qui peut toucher les hommes, les femmes, tout le monde. On m’a dit récemment que j’étais féminine parce que j’avais les cheveux longs et que je prenais soin de la façon dont je m’habillais. J’ai trouvé ça réducteur : la féminité ne se limite pas à quelques clichés, elle peut prendre des formes différentes.

Quelle place la nourriture occupe-t-elle au sein de notre génération ?
Elle occupe une place centrale au sein de plein de problématiques très actuelles: environnementale, climatique, mais aussi celle du bien manger. Cette question de la malbouffe, de bien manger ou non, on se la pose, et c’est bien qu’on se la pose.

Quel est le plat que notre génération consomme trop ?
Les burgers et la patate. Les restos de burgers, c’est comme les magasins de cigarettes électroniques : il s’en est ouvert plein et on ne comprend pas bien quelle est la différence. Les burgers, quand c’est bien fait, j’adore ça, mais là c’est un peu l’overdose.

Et le plat qu’elle ne consomme pas assez ?
D’une manière générale, elle ne consomme pas assez de légumes. Mais, si elle devait redécouvrir un plat, ce serait le pot-au-feu, car il y a un équilibre entre les légumes et la viande et que c’est long à faire -il faut y mettre beaucoup de patience et beaucoup d’amour. C’est un truc réconfortant, qui se mange à la casserole, en famille: j’adore ce plat et j’aimerais bien en partager plus.

Si tu devais inventer un plat qui représente notre génération ?
Ce serait le pot-au-phở (Ndlr: “phở”se prononce “feu”). Le phở est le plat national vietnamien, c’est un bouillon de bœuf aux épices: l’acidité du citron vert et l’oignon viendraient parfaire le pot-au-feu et cela donnerait un grand mix à l’image de notre génération.

Les défis que notre génération doit relever ?
En premier lieu, il y a un défi climatique et écologique. Ça me touche dans mon métier, je me pose tous les jours la question du gaspillage. Que faire, sur un événement, d’une marchandise qui n’est pas utilisée? D’où vient ce produit? Quel trajet a-t-il fait? Ces questions peuvent se rapporter à tout et, petit à petit, on peut faire bouger les choses.

Quel est le plus bel espoir pour notre génération ?
On a les outils pour faire chacun des petites avancées, des choses qui améliorent notre quotidien au sein d’un groupe. On peut le faire, on a les moyens de le faire, on va le faire. Tous les matins, je me lève en me disant ça.

Propos recueillis par Faustine Kopiejwski